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[DEO->DES]
DEO IGNITO |
Au Dieu inconnu. | |
Les Athéniens, le peuple le plus éclairé de l'Antiquité, saisissaient toutes les occasions de faire briller leur intelligence : légers et superficiels, ils admettaient volontiers toutes les croyances et tous les dieux ; cette facilité était même poussée si loin que, pour ne pas s'exposer à quelque oubli involontaire, ils avaient élevé un temple, avec cette inscription : AU DIEU INCONNU. Lorsque le grand apôtre des Gentils, saint Paul, arriva au milieu d'eux et leur parla de purifier leurs temples, de renverser leurs statues de leurs faux dieux, et de pratiquer une morale plus pure, ils ne saisirent pas d'abord le sens de ces paroles, et s'écrièrent qu'il fallait faire examiner la question par l'aréopage. C'était la réunion des grands esprits de l'époque, le tribunal le plus renommé de la Grèce. Saint Paul comparut donc devant l'aréopage : « Athéniens, dit-il, il me semble que la puissance divine vous inspire plus qu'à tous les hommes une crainte religieuse ; car, en traversant votre ville et en contemplant les objets de votre culte, j'ai rencontré un autel avec cette inscription : Au Dieu inconnu. Ce Dieu que vous adorez sans le connaître, c'est lui que je vous annonce, le Dieu qui a fait le monde et tout ce qui est dans le monde, le Seigneur du ciel et de la terre, qui n'habite point les temples bâtis par les hommes, et qui n'est point honoré par les oeuvres des mortels comme s'il avait besoin de quelque chose, lui qui donne tout à tous, la vie et la respiration !... » L'apôtre continua longtemps encore, tenant son auditoire sous le charme de sa parole ; à peine eut-il cessé de parler, qu'une grande agitation se manifesta dans l'assemblée, non pas cette agitation qui annonce les menaces et le danger, mais celle qui révèle une impression profonde. Quelques-uns des membres de l'aréopage se convertirent, entre autres Denys, qui, plus tard, fut le premier évêque d'Athènes. Les mots Diis ignotis (aux dieux inconnus) avaient été choisis par Rivarol comme épigraphe de son Petit almanach des grands hommes, qui lui fit tant d'ennemis. | |
Hommes de la nouvelle Athènes, j'ai traversé votre cité, j'ai passé sur vos places publiques, j'ai vu tous vos dieux : dieu du plaisir, dieu de l'argent, dieu de l'industrie, dieu de l'orgueil, et au milieu de ce panthéon qu'habitent tant de divinités modernes, j'ai vu des autels élevés à une divinité mystérieuse. Au frontispice de vos palais de l'industrie, de vos temples des arts et de vos musées européens, j'ai relu cette inscription : Deo ignoto ; j'ai demandé le nom de ce Dieu inconnu, on m'a répondu : le Progrès. Le Père FÉLIX Conférences | |
Tous tant que nous sommes, nous marchons à la découverte d'un dieu inconnu, deo ignito ; car le travail de l'esprit humain n'est pas de nier Dieu, mais de le déplacer. LERMINIER | |
M. le vicomte d'Arlincourt, qui a dédié, dans son parc, un temple à chacun de ses ouvrages (remarquez que je ne dis pas un tombeau), pourra ériger à son Prince noir, refusé par le comité du Théâtre Français, un autel, avec cette inscription : Diis ignotis. CHALLAMEL France littéraire | |
- Tout homme qui pense doit marcher sous la bannière du Christ !... Lui seul a consacré le triomphe de l'esprit sur la matière ; lui seul nous a puissamment révélé le monde intermédiaire qui nous sépare de Dieu ! - Bah ! reprit Émile, en jetant à Raphaël un indéfinissable sourire d'ivresse, pour ne pas nous compromettre, portons le fameux toast : Diis ignotis BALZAC Peau de chagrin |
DE OMNI RE SCIBILI ET QUIBUSDAM ALIIS |
De toutes les choses qu'on peut savoir, et de quelques autres. | |
De omni re scibili était la devise du fameux Pic de la Mirandole, qui se faisait fort de tenir tête, à tout venant, sur tout ce que l'homme peut savoir ; et quibusdam aliis est sans doute une addition de quelque plaisant. La devise avec son supplément est passée en proverbe et désigne ironiquement un homme qui croit tout savoir. | |
Ces savants ayant tous, modestie à part, un infaillible système pour refaire ou régénérer le monde, vont de ville en ville porter la bonne nouvelle de la lumière, et, Pics de la Mirandole en commandite révolutionnaire, ils dissertent à perte de vue de omni re scibili quibousdam aliis JOLY | |
Les bras accoudés sur la table, la lampe derrière lui, placée de manière à ne pas offusquer sa vue, il fallait l'entendre pérorer de la science et de la religion, du ciel et de l'enfer, de omni re scibili. H. BLAZE | |
Réunissez Orphée, Épicure, Démocrite, Aristote, Hippocrate, Archimède, Marc-Aurèle, Cicéron, Montaigne, Bacon, Locke, Leibnitz, Bossuet, Kant, Georges Cuvier, et toi aussi, mon cher Ballanche ; donnez-Ieur pour rapporteur ce bon prince de la Mirandole qui s'était engagé à soutenir contre tout venant de omni re scibili, et demandez à ces gens-là s'ils savent ce que c'est que le temps, l'espace, la création ; ils vous répondront qu'ils ne le savent pas, que l'homme ne peut pas le savoir. C. NODIER | |
Dès que Nodier paraissait, c'était un cri, mais dès qu'il ouvrait la bouche, silence absolu. Alors Nodier narrait, Nodier paradoxait de omni re scibili et quibusdam aliis. A. DUMAS La Femme au collier de velours | |
Au seizième siècle, parler de tout devint un métier ; surtout chez les nations qui échappèrent aux influences du Nord, et qui restèrent sous la loi de la tradition romaine ou grecque ; la littérature proprement dite naquit. Pic de la Mirandole, un de ces jeunes sophistes éclatants qui firent explosion à la fin du Moyen Age, définissait très bien ce métier : Le talent de tout expliquer, de tout commenter, de discuter sans fin ni trêve de omnibus rebus et quibusdam aliis : de tout ce qui existe et de quelque chose encore par-dessus le marché. Philarète CHASLES |
DE PROFUNDIS CLAMAVI |
Du fond de l'abîme j'ai crié. | |
Premiers mots d'un des psaumes de la pénitence. | |
Le Prêtre, chargé de lire la formule, ouvrit par hasard son livre à l'endroit du de profundis. Ainsi ce mariage fut accompagné de circonstances si fatales, si orageuses, si foudroyantes, que personne n'en augura bien. BALZAC | |
Était-elle morte ou vivante ? Ce vieux médecin, cette bière, ce de profundis, cette fosse lugubre, tout cela n'était-il que la mise en scène de quelque mystérieuse comédie ? A. HOUSSAYE Morte et Vivante | |
Nous avons rasé l'aristocratie, bafoué la noblesse ; bon, les voilà démolies, les voilà à terre, elles n'existent plus : de profundis ! Abattons, maintenant, la finance à grands coups de plume et de mots ; attaquons la richesse et l'hérédité : pourquoi pas la famille ? Sus aux agents de change et haro sur les banquiers ! P.A. FIORENTINO | |
Taisez-vous donc, madame ; votre chanson est triste comme un de profundis. Alexandre DUMAS Les Trois Mousquetaires | |
Toutes les opinions religieuses, morales et politiques, entre lesquelles se débat à cette heure la conscience humaine, écrivent leur symbole sur les restes des morts ; telle pierre demande chrétiennement un de profundis aux passants, tandis que cette autre déclare la matière éternelle et n'exprime que des regrets sans espérance. Alphonse ESQUIROS | |
Le sténographe est le croque-mort des orateurs. Il les ensevelit àsa fantaisie, dans des sarcophages de marbre, sur lesquels on lit : « Ci-gît très haut et très puissant seigneur ! » ou bien, il les cloue entre quatre planches de sapin et il les jette dans la fosse commune, sans daigner marmotter sur eux le plus petit de profundis. CORMENIN | |
De profundis clamavi. J'ignore tout du pied de mes Alpes. Joue-t-on Tancrède ? Personne ne m'en dit mot. Réussit-elle ? Est-elle tombée? VOLTAIRE Lettre à M. d'Argental |
DESIDERATA |
Ce qui manque, chose dont on regrette l'absence. | |
Ce mot se dit de toutes les parties d'une science qui n'ont pu encore été traitées, et sur Iesquelles il est à désirer que l'on s'exerce. Bacon a signalé le premier les desiderata de la science humaine. | |
J'employai la journée qui me restait à ramener au bercail mes volumes égarés, à faire l'appel et le dénombrement de ces chères brebis, et à inscrire de nouveaux desiderata sur mon catalogue alphabétique. Le bibliophile JACOB | |
C'est ainsi qu'on arrivera le plus promptement possible à ce premier grand desideratum de la philosophie, une statistique complète des phénomènes de la nature morale et intellectuelle. JOUFFROY |
DESINIT IN PISCEM |
Finit en queue de poisson. | |
Se dit des choses dont la fin ne répond pas au commencement ; ainsi que des personnes qui promettent beaucoup et tiennent peu. Au début de l'Art poétique, Horace compare une oeuvre d'art sans unité à un beau buste de femme qui se terminerait en queue de poisson : Desinit in piscem mulier formosa superne (De sorte que le haut soit d'une femme aimable, et le bas représente un poisson effroyable). | |
Que voyons-nous ici à la vérité, sinon des corps monstrueux et grotesques, rapiécés de divers membres, sans figure certaine, n'ayant ordre, suite, ni proportion, que fortuites ? Desinit in piscem mulier formosa superne MONTAIGNE Essai sur l'amitié | |
Toutes les compositions poétiques de Lamartine ont été de plus en plus faibles. C'est une sirène, dont le corps finit en poisson. A. FÉE | |
La raison absolue, la nature et le moi humain constituent la totalité des choses qui, elle aussi, est Dieu. C'est un Dieu collectif, à la façon du monstre d'Horace : Desinit in piscem mulier formosa superne. Pierre LEROUX Réfutation de l'éclectisme | |
Permettez-moi de vous arrêter ici, s'écria le bachelier : Desinit in piscem. Vous allez gâter tout ce que vous venez de dire, et, par saint Thomas, vous avez dit de bonnes choses. Walter SCOTT |
DESIPERE IN LOCO |
Oublier la sagesse à propos. | |
Horace (liv. IV, ode XI, v. 28) donne ce conseil à Virgile : Misce stutitiam consiliis brevem, dulce est desipere in loco (Mêle à la sagesse un grain de folie ; il est bon d'oublier quelquefois la sagesse). | |
Il faut se garder de prêter à Boileau la rudesse de visage et l'âpreté de caractère qu'on attribue si volontiers à un satirique et à un législateur. L'ami de Molière, de La Fontaine et de Racine, n'avait rien de farouche : le sévère Boileau ne fut pas un pédant ; il se déridait dans l'occasion, selon la maxime d'Horace, dulce est desipere in loco, et nous savons qu'il fut un convive aimable. GERUZEZ | |
Une gravité chagrine serait déplacée dans un banquet : Dulce est desipere in loco ; ce n'est pas au moment où le Nil baigne les campagnes de ses eaux bienfaisantes qu'on doit proposer de le resserrer dans ses digues. Galerie de littérature | |
Cependant, il faudrait bien en finir avec ce qu'on appelle l'Orgie de Grand-Vaux. Depuis trois semaines, c'est le bruit de chaque jour. Figurez-vous une partie de chasse, un souper entre vieux soldats et jeunes gens, de gais propos comme nous en avons tous tenu, et puis, le lendemain, tout est dit, chacun rentre dans sa gravité et dans ses travaux habituels. Le vieux Caton lui-même, ce vieux sage, dont on ne contestera pas la moralité, appelait cela desipere in loco. Revue de Paris |
DE STERCORE ENNII |
Du fumier d'Ennius. | |
Ennius, un des plus anciens poètes latins, fut rami de Caton l'Ancien et de Scipion l'Africain. Il ne reste que quelques fragments de ses ouvrages ; son style a toute la rudesse du siècle où il vivait, mais le défaut de pureté et d'élégance est racheté par la force des expressions. Virgile a transporté dans son Énéide des vers entiers d'Ennius, ce qui a fait dire à un grammairien du Bas-Empire que Virgile avait trouvé des perles précieuses dans le fumier d'Ennius : de stercore Ennii. Fumier d'Ennius est devenu dans notre langue une expression proverbiale qui s'emploie rarement sous sa forme latine. | |
Ces idées que le génie de Corneille avait jetées au hasard, sans en profiter, le goût de Racine les a recueillies et les a mises en oeuvre ; il a tiré de l'or, en cette occasion, de stercore Ennii. VOLTAIRE Mélanges littéraires |
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