|
[PROD->PV]
PRO DOMO SUA |
Pour sa maison. | |
C'est le titre d'une des harangues de Cicéron. Un patricien nommé Clodius, ayant vu Cicéron déposer contre lui dans une affaire criminelle, jura de se venger. Il se fit élire tribun du peuple, et proposa aussitôt une loi contre ceux qui avaient fait mettre à mort des citoyens romains sans jugement préalable. C'était un coup porté à Cicéronp qui venait de mériter le nom de Père de la Patrie en frappant Catilina. Soutenu par le sénat et par l'ordre équestre, Cicéron aurait pu lutter ; il préféra céder à l'orage et se retira de Rome. Non content de l'avoir fait exiler, Clodius s'était jeté sur sa maison du mont Palatin, y avait fait mettre le feu, s'était approprié la plus grande partie du terrain, et avait fait bâtir sur le reste un temple et une statue de la Liberté. Rappelé par les suffrages publics, Cicéron rentra à Rome après une absence de dix-sept mois ; son retour fut un vrai triomphe. Jaloux de recouvrer au moins l'emplacement de sa maison, il plaida devant le tribunal des pontifes, et défendit sa propre cause avec autant de succès qu'il avait si souvent détendu celle des autres. | |
« Mirabeau tenait de son oncle et de son père, qui, comme saint Simon, écrivait à la diable des pages immortelles. » Cette observation de Chateaubriand s'applique on ne peut mieux aux prosateurs les plus célèbres de France. L'auteur des Mémoires d'outre-tombe, le grand-maître en cacophonies acerbes, ne semble-t-il pas avoir parlé pour son propre compte et plaidé pro domo sua ? CASTIL-BLAZE | |
Froidevaux, repartit le juge de paix d'un ton sec, est-ce que vous comptez plaider ? - Comment si je compte plaider ? Oui, pardieu, je plaiderai, et de mon mieux ; c'est le cas ou jamais d'avoir de l'éloquence, puisque je suis moi-même mon client ; aussi j'espère bien que ma défense fera un digne pendant à l'oraison de Cicéron pro doma sua. Ch. DE BERNARD Le Gentilhomme campagnard |
PROH PUDOR ! |
O honte ! | |
Exclamation qui sert à manifester un sentiment de profond étonnement, de vive indignation, mais qui, dans une phrase française, ne s'emploie que sur le ton de la plaisanterie. | |
Un envoyé se présente de la part des gibelins, porteur de paroles de conciliation. Assez de guerre comme cela ! Pour cimenter la paix, il demande la main de Juliette pour Roméo. Il va sans dire que cette proposition est repoussée. Un guelfe s'unir avec un gibelin ! Proh pudor ! L'envoyé se retire avec des menaces, le poing sur la garde de son épée, comme il convient à sa dignité. Gustave CHADEUIL |
PROLES SINE MATRE CREATA |
Une fille née sans mère. | |
Lorsque Montesquieu publia son livre De l'Esprit des lois, il y mit cette épigraphe, tirée d'un vers d'Ovide : Proles sine matre creata, indiquant ainsi que son ouvrage n'avait pas eu de modèle. Quelques écrivains ont affirmé que Montesquieu donnait lui-même cette explication de son épigraphe : « Un livre sur les lois doit être fait dans un pays de liberté ; la liberté en est la mère : je l'ai fait sans mère. » | |
La poésie lyrique, la poésie épique, les fabliaux, la satire, sont des genres dont on peut dire : Prolem sine matre creatam, qui n'ont pas d'antécédents latins, d'origine latine, qui surgissent spontanément dans la langue vivante et populaire du Moyen Age. J.-J. AMPÈRE Littérature française au Moyen Age | |
La France avait toutes les lumières du génie, pour éclairer la science des lois ; il ne lui manquait que cette liberté, dont l'absence faisait dire plus tard à Montesquieu, en tête de son ouvrage : Prolem sine matre creatam. VILLEMAIN | |
Voilà bientôt trois siècles que les métaphysiciens et, à leur suite, beaucoup de philosophes, moralistes, politiques ou autres, discutent sur ce que l'on pourrait appeler l'homme sans l'humanité : Prolem sine matre creatam. Pierre LEROUX Humanité | |
Imaginez le phénomène le plus ordinaire... Maintenant, je ne suis pas difficile ; je ne demande ni les aïeules, ni les trisaïeules du phénomène, je me contente de sa mère ; hélas ! tout le monde demeure muet, et c'est toujours (j'entends dans l'ordre matériel) proles sine matre creata. Joseph DE MAISTRE | |
Pour être plus sûr de son fait, et peut-être aussi pour avoir deux témoins en cas de besoin, la Popelinière prend deux de ses amis avec lui ; un de ces amis n'était rien moins que le fameux Vaucanson, celui qui a fait digérer un canard, le père légitime de l'automate flûteur : Prolem sine matre creatam. J. JANIN Littérature dramatique |
PROXIMUS ARDET UCALEGON |
Déjà brûle le palais d'Ucalégon, voisin du nôtre (VIRGILE, Énéide, liv. II, v. 311). | |
Énée, arraché au sommeil, s'aperçoit que Troie est en flammes : « Déjà le vaste palais de Déiphobe s'est écroulé, déjà brûle celui d'Ucalégon, voisin du nôtre. » Déiphobe était un des fils de Priam ; Ucalégon était un vieillard qu'Homère place dans le conseil du roi troyen. | |
Je vous assure que la cabale de Genève aurait fait retomber sur moi, si elle avait pu, la petite correction qu'on a faite à Jean-Jacques, et que j'aurais pu dire, jam proximus ardet Ucalegon, si je n'avais pas terres en France avec un peu de protection. VOLTAIRE A d'Alembert |
PULCHRE, BENE, RECTE ! |
Bien, très bien, parfait ! | |
Horace (Art poétique, v. 428) conseille aux auteurs de se défier d'un critique trop bienveillant, qui ne fait entendre que des exclamations louangeuses. Boileau a dit : Un flatteur aussitôt cherche à se récrier ; Chaque vers qu'il entend le fait extasier ; Tout est charmant, divin ; aucun mot ne le blesse ; Il trépigne de joie, il pleure de tendresse. | |
Je ne vous demandais pas des louanges quand je vous ai envoyé ce petit ouvrage des Bains de Vénus, mais je vous demandais votre sentiment au vrai, et celui de vos amis ; cependant vous vous êtes contenté de dire, comme ce flatteur d'Horace : Pulchre, bene, recte ! et Horace dit fort bien qu'on loue ainsi les mauvais ouvrages. RACINE Lettres à M. l'abbé Le Vasseur |
PUNICA FIDES |
Foi punique. | |
C'est-à-dire foi équivoque, mauvaise foi, perfidie ; telle était, chez les Romains, la réputation des Carthaginois. Mais les Romains étaient à la fois juges et partie, et et la perfide Carthage ressemble beaucoup à la perfide Albion. Peut-être, le mot de foi romaine avait-il chez les Carthaginois le même sens que celui de foi punique chez leurs ennemis. Mais les Carthaginois n'ont pas eu le bonheur d'avoir un Tite-Live. « Ce ne fut que la vitoire, dit Montesquieu, qui décida s'il fallait dire la foi romaine ou la foi punique. » Ah ! si mes confrères savaient peindre, s'écrie le lion de la fable en voyant le tableau qui représente un des siens terrassé par un homme ! | |
Une pareille religion devait exercer la plus funeste influence sur le caractère général d'une nation, dévouée avec acharnement au sanguinaire Moloch et à l'impudique Astarté, et se faisant gloire de rester étrangère aux arts libéraux, aux lettres, aux sciences, et de ne connaître d'autre industrie que le commerce. Aussi la punica fides était-elle généralement passée en proverbe. Dictionnaire de la Conversation | |
L'esprit mercantile ne pouvait que développer une disposition naturelle à la perfidie, et puisqu'on trompait les dieux eux-mêmes, par la substitution de victimes étrangères aux enfants qu'on promettait d'immoler, comment n'eût-on pas trompé les hommes ? On sait l'adage punica fides. P. DE GOLBÉRY |
PURPUREUS ASSUITUR PANNUS |
On y coud un morceau de pourpre (HORACE, Art poétique, v. 15). | |
« On débute pompeusement, on promet des merveilles, puis on coud à son oeuvre quelques lambeaux de pourpre destinés à faire de l'effet. » Ce que le poète appelle des lambeaux de pourpre, ce sont les descriptions que les poètes médiocres ne manquent pas de jeter, souvent hors de propos, au milieu d'une oeuvre sans intérêt. | |
L'homme de goût rejette les digressions fastidieuses, comme le lambeau de pourpre dont Horace a dit : Purpureus assuitur pannus. Galerie de littérature | |
Une scène de corps de garde, une révolte de populace, le marché aux poissons, le bagne, le cabaret, sont une bonne fortune pour la muse de Shakespeare. Elle s'en saisit, elle débarbouille cette canaille, et coud à ces vilenies son clinquant et ses paillettes : Purpureus assuitur pannus. V. HUGO |
PA->PD PE->PK PL->PO PP->PROC PROD->PV |
[ HAUT DE PAGE ]